Les femmes, avenir de la paix

dans Bio!Tempo! N°55

par Anne Deligné

Les femmes ont le pouvoir de donner la vie, elles ont la faculté et le devoir de la respecter. Toute mère recherche avant tout la protection de sa progéniture. Et donc la paix. C’est suite à la lecture ou à l’écoute de paroles de haine proférées par des femmes vis-à-vis « des autres (1)» qu’est née cette réflexion. Quelque chose ne va plus. Qu’avons-nous fait de l’esprit féminin qui nous habite ? Le livre de Jean Shinoda Bolen,
« Les femmes, avenir de la terre. Rassembler les femmes et sauver la planète, nous invite à y réfléchir. »

Dans son ouvrage, J. Shinoda démontre que la participation des femmes dans les processus de paix est indispensable pour que celle-ci soit durable. On peut citer en exemple les accords de paix en Irlande du Nord qui n’ont été obtenus qu’à partir du moment où les femmes y ont participé : « Une réconciliation par le dialogue » ! Les femmes sont maîtres en matière de dialogue, elles savent écouter, elles ont de l’empathie. Or, il y a violence lorsque la discussion n’est plus possible.

La guerre existe depuis l’aube des temps. Dès les premiers chapitres de la Genèse, Caïn a tué Abel… on nous dit donc qu’il en a toujours été ainsi. Et pourtant, non, les guerres n’auront pas toujours lieu. Il n’y aura plus de guerre lorsque les femmes, et les hommes aux qualités féminines développées, auront atteint un pourcentage suffisant dans les instances décisionnelles.


« Tant que les femmes ne participeront pas à ce qui se joue
dans le monde, des informations et des préoccupations
essentielles feront défaut. Et s’il revenait aux femmes de
décider s’il faut ou non faire la guerre ? »
J. Shinoda, psychiatre et analyste jungienne.

Fête des Mères et paix

Petit historique. La fête des Mères a été créée en 1870 (par Julia Ward Howe)
à la suite de la guerre civile américaine. C’était un appel pour rassembler les
femmes, afin de trouver les moyens d’apporter la paix à l’humanité. Un siècle
plus tard, après la mobilisation des femmes pour réclamer la reconnaissance de
leurs compétences dans les processus décisionnels, de nombreuses initiatives
internationales ont émergé. Et les politiques d’aujourd’hui mentionnent le rôle
essentiel des femmes dans les processus de paix.

  • Quatre conférences internationales sur les femmes, organisées par les Nations unies, ont eu lieu (Mexico en 1975, Copenhague en 1980, Nairobi en 1985, Beijing en 1995).
  • • Elles ont fortement contribué à la prise de conscience des besoins des femmes, mais également de leur rôle, et de la manière de leur permettre d’assumer ce rôle.
  • Par exemple, à Mexico, un des objectifs était de promouvoir « une contribution de plus en plus importante des femmes au renforcement de la paix internationale ».
  • • Mais les progrès n’ont pas été au rendez-vous, ce qui fut noté à la seconde conférence internationale où « une volonté politique insuffisante ; le manque d’engagement suffisant de la part des hommes pour améliorer le rôle de la femme dans la société ; etc. » ont été mentionnés.
  • • Le mouvement des femmes est alors devenu une force internationale. L’après-Beijing a vu de grandes prises de conscience et de décision, dont les femmes et le monde
  • jouissent aujourd’hui, mais surtout dans le monde occidental. À Beijing, 187 pays participèrent avec 17 000 participants officiels et 35 000 participants venant d’ONG
  • dans un forum parallèle.

Femmes et hommes ensemble

Le patriarcat (société fondée sur la détention de l’autorité par les hommes) serait né de l’alphabétisation, entraînant la prédominance de la pensée linéaire au détriment de l’intuition ; le développement intellectuel y est encouragé et récompensé. Le développement émotionnel, le sentiment, la sensibilité, l’intuition, la subjectivité, ne le sont que trop peu. Or, pour un accord de paix, il faut des compromis. Les négociations de paix sont stressantes  : l’adrénaline et la testostérone grimpent. Il faudrait davantage
d’ocytocine et d’œstrogène pour les diluer. C’est physiologique. Raison de plus pour qu’hommes et femmes se mettent à travailler ensemble.

« L’infériorisation de la femme a coûté très cher à l’humanité, en ce sens qu’elle l’a mise à l’arrêt. L’humanité ne se porte bien et ne progresse que lorsque les deux sexes collaborent entre eux et se prêtent mutuellement assistance » (2)

«L’ancien monde agonise et ce nouveau monde que nous appelons de toutes nos forces ne se construira pas sans un retour aux valeurs de l’amour dont nous, les femmes, sommes les dépositaires. Certes, les femmes n’en possèdent pas l’exclusivité, mais, messieurs, reconnaissez qu’il y a encore un bout de chemin pour retrouver la voie du cœur.» « La Pie », Périgord, octobre 2022. Femmes et résolutions

La présence de plus en plus nombreuse et active des femmes a eu un impact si considérable que l’ONU a pris les choses en main avec la résolution 1325 de 2000. C’est la première résolution à établir le lien entre les femmes et la paix et la sécurité. Une résolution est le résultat d’âpres négociations qui peuvent durer des mois, voire des années. Leur impact est considérable. Tous les pays vont insérer dans leurs politiques intérieures et extérieures les recommandations de cette résolution 1325.

La résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité met en exergue le rôle des femmes dans la prévention des conflits ; la participation des femmes à la consolidation de la paix ; la protection des droits des femmes et des filles pendant et après les conflits… Le Conseil de sécurité a souligné qu’il convient que les femmes […] doivent pouvoir exercer l’un de leurs droits humains fondamentaux, celui de participer aux processus décisionnels qui les concernent, mais leur contribution aux processus de paix est également un impératif stratégique, car c’est en ayant une pluralité de vues que l’on peut instaurer une paix plus durable. https://dppa.un.org/fr/women-peace-and-security

Récemment, la Commission européenne a emboîté le pas et a adopté une stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025, ainsi qu’un plan d’action « afin de renforcer le leadership des femmes et leur participation à tous les aspects de
la paix et de la sécurité […] pour veiller à un règlement durable des conflits et des crises (3).»

Lueurs d’espoir

Malgré ces belles paroles, sur le terrain, nous sommes encore si loin de la paix. Il y a encore tant de guerres, surtout dans les pays dominés et/ou dirigés par les hommes, et les femmes ne font toujours pas officiellement suffisamment partie des processus de paix. Sur le terrain cependant, en Asie, en Afrique et Amérique latine, loin des caméras, ce sont plus de 100 000 ONG locales de reconstruction et de réconciliation qui sont aujourd’hui dirigées par des femmes (4). Leur rôle principal est encore informel, néanmoins crucial. Un autre baromètre : 16 % de femmes seulement ont reçu le prix Nobel, ce qui est trop peu, considérant ce rôle informel.

Nous sommes responsables du monde dans lequel nous vivons et la
paix ne semble pas encore nous incarner. Notre rôle à chacun et chacune est de trouver cette paix en nous. Alors ?
Alors, imaginons et visualisons un ministère de la Paix plutôt qu’un ministère de la Défense !

(1) Les Russes par exemple, l’ennemi extérieur ces temps-ci, mais aussi le conjoint, le voisin, etc.
(2) Emmanuel Todd, politologue, historien et sociologue français .
3) https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/11/14/
council-conclusions-on-women-peace-and-security/
4) https://ideas4development.org/femmes-actrices-paix/
Sources
• Article inspiré du livre de Jean Shinoda Bolen Les femmes, avenir de la
terre. Rassembler les femmes et sauver la planète, éd. Jouvence, 2007.
• https://www.unwomen.org/fr/what-we-do/peace-and-security
• https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/11/14/
council-conclusions-on-women-peace-and-security/
• https://ideas4development.org/femmes-actrices-paix/